"Les religions sont toujours suspectées de vouloir mettre la main sur Dieu, de circonscrire sa grandeur, et les hommes religieux seraient nécessairement dogmatiques et fermés.
C’est parfois le cas, surtout quand on justifie la violence, l’impureté, l’autoritarisme, au nom du Très Haut.
Rien de plus terrible qu’un despote drapé des vêtements du sacré.
Mais ce jugement contre les religions est un peu court, car l’athéisme est une position dogmatique aussi, qui affirme, sans aucune preuve, l’inexistence de Dieu.
Je voudrais dire à ce propos une conviction qu’il faudrait sans doute étayer : il est très dangereux de donner le pouvoir à un homme qui affirme que Dieu n’existe pas. [...]
31 mai 2015 - La Sainte Trinité
Source : http://www.ndgrace-passy.com
FENÊTRE OUVERTE SUR L’INVISIBLE
Les religions sont toujours suspectées de vouloir mettre la main sur Dieu, de circonscrire sa grandeur, et les hommes religieux seraient nécessairement dogmatiques et fermés. C’est parfois le cas, surtout quand on justifie la violence, l’impureté, l’autoritarisme, au nom du Très Haut. Rien de plus terrible qu’un despote drapé des vêtements du sacré. Mais ce jugement contre les religions est un peu court, car l’athéisme est une position dogmatique aussi, qui affirme, sans aucune preuve, l’inexistence de Dieu. Je voudrais dire à ce propos une conviction qu’il faudrait sans doute étayer : il est très dangereux de donner le pouvoir à un homme qui affirme que Dieu n’existe pas. L’athée risque toujours de se prendre lui-même pour ce Dieu dont il nie l’existence, et de placer sa conscience personnelle limitée comme seul critère de jugement du bien et du mal
Lors des obsèques de Louis XIV, Massillon commença l’homélie par ces mots : « Dieu seul est grand, mes frères, et dans ces derniers moments surtout où il préside à la mort des rois ». Le roi Soleil lui-même avait la crainte de Dieu et il savait qu’il aurait à répondre de la manière dont il avait conduit le royaume. La monarchie dite « de droit divin » signifie aussi que Dieu est au-dessus du roi. En ce sens, elle n’est pas l’ « absolutisme ». Il est dangereux de donner une responsabilité à un homme qui n’a pas conscience d’avoir à rendre compte de ses actes devant le juste Juge, car il n’a alors d’autres contre-pouvoirs que les lois humaines, auxquelles il lui est souvent aisé d’échapper, car La Fontaine le disait bien : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Croyez-moi, si nous chrétiens, nous n’avons pas le monopole du cœur, nous n’avons pas non plus celui de l’étroitesse d’esprit, ni celui du dogmatisme, ni celui de lancer des anathèmes… « Mon Dieu, mon Dieu, délivrez-nous de toutes les religions ! » disait Guy Bedos. Mais les dogmes de l’Église ne sont pas une porte fermée qui cherche à enfermer Dieu dans des concepts humains, ils sont une fenêtre ouverte sur l’invisible Mystère.
Dans l’affirmation du Mystère trinitaire, nous ne cherchons pas à expliquer par nous-mêmes qui est Dieu, mais nous consentons à ce qu’il a révélé de lui-même. Dieu est unique, mais il est Communion, car il ne peut y avoir d’amour sans relation. L’Amour a ses raisons que la raison ne connaît pas, mais nous portons en nous sa trace, puisque nous sommes à son image. L’homme est un mystère d’unité et de communion. Il se reçoit et devient maître de sa vie par l’unification progressive de sa personnalité, mais il ne peut se trouver qu’en se donnant. Voilà pourquoi « un seul être vous manque et tout est dépeuplé », disait Lamartine, mais aussi un seul être vous est donné et tout est repeuplé. Le dernier rescapé du radeau de la méduse finira toujours par lancer une bouteille à la mer, dans l’espoir d’une rencontre. Nous ne sommes pas des individus singuliers, mais des personnes en communion, et l’espace de notre vie est le cœur d’un autre où se dilate notre propre cœur, non pas d’une fusion aliénante mais dans l’ouverture à la fécondité de l’amour. C’est dans le cœur de l’homme que se dessine la véritable icône de la Trinité, l’éternelle donation du Père et du Fils d’où jaillit l’Esprit Saint.
Père Luc de Bellescize