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Petit déjeuner chez Tiffany - VI - Truman Capote

 

breakfast, tiffany

 

Ne vous attachez jamais à une créature sauvage, mister Bell ! lui conseilla Holly.

Dès qu'elle vit la lettre, elle loucha et ses lèvres se tordirent en un dur petit sourire qui la vieillit terriblement. "Chéri, me dit-elle, peux-tu atteindre le tiroir là-bas, et me donner mon sac ? Une fille bien ne lit pas ce genre de lettres sans se mettre du rouge aux lèvres."

 

 

breakfast, tiffany

 

Extrait de Petit-déjeuner chez Tiffany, 1958, Truman Capote, Folio Gallimard :

[...]

"Ne vous attachez jamais à une créature sauvage, mister Bell ! lui conseilla Holly. C'est l'erreur que Doc a faite. Il revenait toujours à la maison encombré de créatures sauvages. Un faucon avec une aile blessée, et même une fois un lynx adulte avec une patte cassée. Mais on ne peut pas s'attacher à une bête sauvage. Plus vous le faites et plus elle reprend des forces jusqu'à ce qu'elle en ait assez pour retourner dans les bois ou grimper à un arbre, puis à un arbre plus haut et finalement c'est le ciel. C'est comme ça que vous finirez, mister Bell, si vous vous mettez à aimer une bête sauvage. Vous finirez le nez en l'air.
- Elle est ivre ! me dit Joe Bell.
- Modérément ! admit Holly. Mais Doc a très bien compris ce que je voulais dire. Je le lui ai expliqué très soigneusement et c'est quelque chose qu'il pouvait comprendre. Nous nous sommes serré la main, et nous nous sommes serrés l'un contre l'autre et il m'a souhaité bonne chance."
Elle consulta la pendule. "Il doit être dans les Montagnes Bleues à l'heure qu'il est !

[...]

Holly ne parla plus jamais de son frère, sauf une fois. Qui plus est, elle cessa de m'appeler Fred. Pendant juin et juillet, à travers ces mois chauds, elle hiberna comme un animal d'hiver qui n'aurait pas su que le printemps était venu et reparti. Ses cheveux foncèrent. Elle engraissa, devint quelque peu négligente en matière de toilette, prit l'habitude de se précipiter au "delicatessen" du coin, en imperméable et rien dessous. José s'installa dans l'appartement, son nom remplaçant celui de Mag sur la boîte aux lettres. Toutefois, Holly était fréquemment seule car José passait trois jours par semaine à Washington. Pendant ses absences, elle ne recevait personne et quittait rarement l'appartement sauf le jeudi quand elle allait à Sing-Sing rendre sa visite hebdomadaire.

Cela ne veut pas dire qu'elle se désintéressait de la vie. Bien au contraire elle semblait plus contente, et, dans l'ensemble, plus heureuse que je l'eusse jamais vue. Une ardeur vive, soudaine, et fort peu Holly...ienne pour son intérieur l'incita à plusieurs acquisitions également peu Holly...iennes. D'une vente Parke-Bernet elle ramena une tapisserie : "scène de chasse" représentant un cerf aux abois, et provenant des propriétés de William Randolf Hearst une lugubre paire de fauteuils gothiques, dits confortables. Elle acheta aussi une bibliothèque complète de modernes ; des rayons entiers de disques classiques, d'innombrables reproductions du Musée d'Art métropolitain (y compris le moulage d'un chat chinois que son propre chat prit en haine et devant lequel il cracha avant de finir par le casser). Elle acheta aussi un mixer, un four perfectionné, et toute une collection de livres de cuisine. Elle passait des après-midis entiers de femme d'intérieur à traînailler dans le bain turc de sa minuscule cuisine. "José dit que je fais mieux la cuisine que le chef du "Colony". Vraiment qui aurait pu penser que j'avais des dons naturels aussi extraordinaires ? Il y a un mois, je ne savais même pas faire des œufs brouillés."

Elle continuait d'ailleurs à ne pas savoir les faire.

[...]

 

breakfast, tiffany

 

Dès qu'elle vit la lettre, elle loucha et ses lèvres se tordirent en un dur petit sourire qui la vieillit terriblement. "Chéri, me dit-elle, peux-tu atteindre le tiroir là-bas, et me donner mon sac ? Une fille bien ne lit pas ce genre de lettres sans se mettre du rouge aux lèvres."

Guidée par le miroir du poudrier elle se poudra, se farda, effaça de son visage le dernier reflet de la douzième année. Elle dessina ses lèvres avec un bâton, colora ses joues avec un autre, crayonna la bordure de ses yeux, bleuit ses paupières, vaporisa son cou avec du parfum, attacha des perles à ses oreilles et arbora ses lunettes sombres. Ainsi équipée et après un sévère examen critique de l'état déplorable de ses ongles, déchira l'enveloppe de sa lettre, et laissa son regard parcourir le texte tout entier tandis que son dur petit sourire devenait plus petit et plus dur. Eventuellement elle me demanda une Picayune, en tira une bouffée. "Goût vulgaire mais divin, fit-elle, et me jeta la lettre. Peut-être que cela pourra te servir si jamais tu écris le roman d'un rat. Non, ne te hérisse pas et lis tout haut. J'aimerais moi-même l'entendre.

 

> A consulter également : http://echo.levillage.org/317/6151.cbb

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=1JfS90u-1g8#t=79

 

 

breakfast at tiffany's, petit dejeuner chez tiffany, truman capoteSe procurer l'ouvrage :

Petit-déjeuner chez Tiffany

Truman Capote

1958 (1962 pour la traduction)

Folio, Gallimard

192 pages

http://www.amazon.fr/Petit-d%C3%A9jeuner-chez-Tiffany-Truman-Capote/dp/2070363643/

 

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