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Le Paris des amoureux éconduits - Vu par Houellebecq

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Without a Dowry aka Sunday in the Luxembourg Gardens, James Tissot  

 

On s'est aimés comme on se quitte
   Tout simplement, sans penser à demain
   A demain qui vient toujours un peu trop vite,
   Aux adieux qui quelquefois se passent un peu trop bien.

Dans le café de l'angle de la rue Vavin il commanda un bourbon, s'aperçut tout de suite de son erreur. Après le réconfort de la brûlure il fut de nouveau submergé par la tristesse, les larmes ruisselèrent sur son visage. Il jeta un regard inquiet autour de lui, mais heureusement personne ne lui prêtait attention, toutes les tables étaient occupées par des étudiants en droit qui parlaient de teufs ou d'"associés junior", enfin ces choses qui intéressent les étudiants en droit, il pouvait pleurer tout à son aise.

 

 Le Paris des amoureux éconduits

 

Extrait de La carte et le territoire, Michel Houellebecq, Flammarion :

p 115-118

Le printemps à Paris est souvent une simple prolongation de l'hiver - pluvieux, froid, boueux et sale. L'été y est le plus souvent désagréable, les fortes chaleurs ne tiennent jamais longtemps, se concluent au bout de deux ou trois jours par un orage, suivi d'un rafraîchissement brutal. Il n'y a qu'à l'automne où Paris soit vraiment une ville agréable, offrant des journées ensoleillées et brèves, où l'air sec et limpide laisse une tonique sensation de fraîcheur. [...]

Une après-midi de début de novembre, vers dix-sept heures, il se retrouva en face de l'appartement qu'occupait Olga rue Guynemer. Cela devait arriver, se dit-il : piégé par ses automatismes, il avait suivi, à peu près à la même heure, le chemin qu'il avait emprunté tous les jours pendant des mois. Le souffle coupé, il rebroussa chemin vers le jardin du Luxembourg, s'affaissa sur le premier banc venu. Il était juste à côté de ce curieux pavillon en briques rouges orné de mosaïques, qui occupe un des angles du jardin, au coin de la rue Guynemer et de la rue d'Assas. [...] les paroles du Jardin du Luxembourg lui revinrent en mémoire :

   Encore un jour
   Sans amour
   Encore un jour
   De ma vie

   Le Luxembourg
   A vieilli
   Est-ce que c'est lui ?
   Est-ce que c'est moi ?
   Je ne sais pas.

Comme beaucoup de Russes Olga adorait Joe Dassin, surtout les chansons de son dernier disque, leur mélancolie résignée, lucide. Jed frissonnait, sentait monter une crise irrépressible et lorsque lui revinrent en mémoire les paroles de Salut les amoureux, il se mit à pleurer.

   On s'est aimés comme on se quitte
   Tout simplement, sans penser à demain
   A demain qui vient toujours un peu trop vite,
   Aux adieux qui quelquefois se passent un peu trop bien.

Dans le café de l'angle de la rue Vavin il commanda un bourbon, s'aperçut tout de suite de son erreur. Après le réconfort de la brûlure il fut de nouveau submergé par la tristesse, les larmes ruisselèrent sur son visage. Il jeta un regard inquiet autour de lui, mais heureusement personne ne lui prêtait attention, toutes les tables étaient occupées par des étudiants en droit qui parlaient de teufs ou d'"associés junior", enfin ces choses qui intéressent les étudiants en droit, il pouvait pleurer tout à son aise.

Une fois sorti il se trompa de chemin, erra quelques minutes dans un état de semi-conscience hébétée et se retrouva devant le magasin Sennelier Frères, rue de la Grande-Chaumière. En vitrine étaient exposés des pinceaux, des toiles de format courant, des pastels et des tubes de couleurs. Il entra et, sans réfléchir, acheta un coffre "peinture à l'huile" de base. [...]

 

michel, houellebecq, la carte et le territoireSe procurer l'ouvrage :

La carte et le territoire

Michel Houellebecq

2010

Flammarion

428 pages

http://www.amazon.fr/carte-territoire-Houellebecq-Michel-Broch%C3%A9/dp/B00OPMJGF4/

 

 

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